Sur la terre rouge d’Afrique, elles souffrent...
Dans la torpeur de l’été 2013, Jean-Sébastien a débarqué avec son nouveau projet de documentaire.
Jean-Sébastien est journaliste. Un de ces reporters que j’aime et admire. Quelqu’un capable de poser un regard, sans pathos ostentatoire. Qui sait écouter, regarder. Un accoucheur d’âme.
Ensemble, nous partageons, sans doute la même passion pour notre métier que nous exerçons si différemment. Et surtout, la même passion pour la terre rouge de l’Afrique. Le Congo, notamment, pour lui. Le Burkina Faso pour moi.
En juillet, alors que nous étions séparés par des milliers de kilomètres, un seul mail nous a rapprochés. En quelques lignes, il m’a raconté l’histoire de Denis Mukwege, médecin gynécologue en République Démocratique du Congo, dans la province du Kivu. Un bout de terre à l’est du pays. A la frontière avec le Rwanda.
Un territoire de non droit où les corps des femmes sont devenus des armes de guerre. Quand le viol collectif est organisé, planifié, destiné à exterminer une population… A l’hôpital de Panzi, les femmes violées arrivent tous les jours après des heures de marche, chassées de leur village. Denis Mukwege est là. Pour soigner les plaies sur les corps et à l’âme. Et soulager les souffrances.
Jean-Sébastien était décidé à partir au Congo pour tourner un sujet sur Denis Mukwege. A France 2, l’accord est vite arrivé. D’autant que le médecin était pressenti pour l’obtention du Prix Nobel de la Paix. J’ai assuré Jean-Sébastien de mon soutien.
Nous avons envisagé de partir ensemble. Je l’entends encore me dire « oui, mais tu dois savoir que c’est dangereux ». Qu’importe. Notre carte de presse devenait un passeport pour raconter une histoire méritant l’attention de la communauté internationale qui a depuis longtemps détourné son regard de ces terres africaines.
Ecouter Denis Mukwege, ces femmes. Filmer. Dénoncer aussi.
En septembre, Jean-Sébastien et Matthieu avec qui il réalise ses documentaires sont partis plus vite que prévu. Un voyage épique qu’ils m’ont fait partager par messagerie. Un périple en avion, puis deux avec l’appui d’une association humanitaire, un bateau, la route… Sous une pluie parfois diluvienne.
Quinze jours à tourner, à souffrir aussi avec ces femmes prêtes à témoigner devant la caméra. Je sais que certaines images ne sont pas diffusables. Que certains mots sont trop violents. Je sais que Jean-Sébastien et Matthieu ont eu mal. Parce que cette carte de presse ne protège par le cœur.
Je sais aussi que l’émotion vous a emportés quand ces femmes sont venues vers vous avec leur immense sourire. Et Denis Mukwege avec son discours humaniste. Parce que lui continue de croire en l’homme. Alors qu’il y a des raisons de désespérer du genre humain…
Quinze ans que Denis Mukwege se bat sans relâche pour ces femmes. Il a été menacé, agressé. Ses patientes ont créé un cordon de sécurité autour de lui. Le protégeant en réalisant des rondes notamment…
Denis Mukwege n’a pas eu le prix Nobel de la paix. La communauté internationale peut dormir tranquille. Personne ne regardera de ce côté-ci de l’Afrique.
Sauf Jean-Sébastien et Matthieu.
Ils sont rentrés. Ont trié les rushs, écrit les textes, monté le film.
Des images qui ont débarqué sur mon écran il y a quelques semaines déjà. Vingt minutes qui vous figent, vous prennent au bide. Les mots des femmes qui résonnent. Cette barbarie que l’on imagine. Mais le peut-on une seule seconde ?
Dimanche, à 13h15, Larmes de guerre sera diffusé sur France 2. Un film choc à heure de grande écoute. Grâce à la persévérance de Jean-Sébastien, Matthieu et Nicolas qui a travaillé avec eux. Avec l’appui de Laurent Delahousse et de la rédaction.
Avec Jean-Sébastien, on sait qu’un autre reportage nous attend ailleurs. Peut-être au Burkina Faso où mes parents ont choisi de mener une autre lutte que celle de Denis Mukwege. Un combat qui fait naître des sourires sur les visages des enfants aux pieds rouge de cette terre africaine.
PS : Jean-Sébastien et Matthieu, mes héros…
PS 2 : Merci à @squirelito qui a écrit un joli texte sur le documentaire. C'est ici.