La vie des autres
Samedi, 19 avril, 11 heures.
Flash Info.
Et une voix sortie de la radio annonçant la libération de Didier François, Edouard Elias, Pierre Torres et Nicolas Hénin. Un immense sourire qui envahit le visage. Et une larme. Un flot d'émotion. Comme celui qui m'avait envahi un soir d'hiver aux Folies Bergères pour un concert de soutien aux quatre journalistes.
Réflexe corporatiste ? Emotion trop facile ? Empathie exacerbée ?
Comment expliquer cette émotion pour des hommes que je ne connais pas. Je ne suis même pas sûre d'avoir croisé Didier François dans les couloirs d'Europe 1. L'enlèvement de Florence Aubenas en 2005 avait provoqué un sentiment comparable.
Difficile de prôner un corporatisme excessif. Je serai bien malhonnête de comparer le métier des ces reporters avec le mien. Même si nous défendons, sans doute, des valeurs communes, partageons une passion pour cette profession, et prônons la Liberté comme un principe fondamental.
Emotive ? Oui. Quand Nicolas Hénin embrasse ses enfants. Touchée en plein coeur.
Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Et parce que les mots ont un sens, j'ai cherché. Ce mot, celui qui tenterait d'expliquer cette émotion partagée face à des "inconnus". Plonger son nez dans le dico, essayer de comprendre.
L'empathie ? Pas vraiment. L'empathie repose sur cette capacité que nous avons à se mettre à la place de l'autre. A comprendre ce qu'il ou elle vit de l'intérieur. Or, impossible d'imaginer ce que peut être la détention, la peur, l'incertitude permanente. Sans parler des conditions au quotidien.
De la compassion ? Toujours pas. Cela renverrait à une forme de pitié à laquelle je n'adhère pas.
Je crois plutôt que cela relève du soulagement. Comme si une histoire se terminait. Avec une happy end que nous espérions. Parce que tout à coup, nos histoires individuelles disparaissent pour une histoire plus collective dopée d'admiration pour ces hommes qui n'en finissent pas de se battre pour nous. Parce que la vie des autres construit la nôtre.
Ce matin, je regardais le sourire de Didier François. J'entendais son rire. J'écoutais ses mots. Admiration. Et respect.
C'est ça.
Du respect.
Depuis hier, je pense aussi, avec une intensité particulière, aux deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, tués au Mali, le 2 novembre 2013.