En pointillés
L'excitation est retombée.
Le soleil aussi.
Il était minuit hier soir. Un autre match. Une autre rencontre pour une autre histoire. Plongée dans une semi obscurité, la toile se dessinait sur l'écran. Et de ma mémoire ressuscitaient ces images collectionnées et stockées dans un coin de mon cerveau. Des photos - souvenirs de tribunes.
Regarder de loin, dématérialiser ces rangées horizontales pour ne voir qu'un tableau. Un tableau à la Seurat. En pointillés. Comme une oeuvre à part entière.
Une toile mouvante, changeante. Une danse de pixels multicolores vibrant au rythme des actions. Un instant, j'imaginais Paul Signac, pinceaux en main, scrutant de loin cette masse de points. Avant de la reproduire par miniscules touches de peinture.
Changer de focale.
Regarder autrement.
Un événement sportif ou un fait d'actualité. La démarche est identique.
Il faut savoir prendre de la hauteur pour comprendre l'Histoire qui se joue.
Et zoomer pour comprendre les histoires. Celles des hommes et des femmes qui dessinent cette oeuvre. Comme ces plans resserrés sur ces visages colorés.
Ce midi, le soleil au zénith, j'ouvrais le numéro 4 de la Revue Desports.
Entre deux récits, une toile de Nicolas de Staël m'a explosé au visage. Une oeuvre de 1952 baptisée Les Footballeurs. Le 26 mars de cette même année, dans les tribunes du Parc des Princes, le peintre assistait avec sa femme au premier match international de foot en nocturne. France - Suède. Dans les jours qui suivirent ce spectacle sportif, Nicolas de Staël réalisa une quizaine de toiles sur ce thème. Quand les corps se devinent derrière les coups de pinceaux...
Dans une lettre adressée à René Char, il décrit alors sa vision du foot : "Entre ciel et terre, sur l’herbe rouge ou bleue, une tonne de muscles voltige en plein oubli de soi avec toute la présence que cela requiert en toute invraisemblance (…)"