Il est pour le Brésil. Il a 12 ans
Cyrille de Lasteyrie. C'est son nom. Enfin, pas totalement. Son nom à rallonge nécessiterait une ligne. Ce que je pense de lui mériterait un livre. J'ai déjà beaucoup parlé de lui, ici.
Ce matin, j'ai reçu ce texte. Je ne vais pas vous mentir. J'en avais les larmes aux yeux. Peut-être parce que j'entends sa voix. Que je sais quel super papa il est. Cyrille, c'est lui. Et bien plus encore.
Eva
Il est pour le Brésil. Il a 12 ans.
À sa naissance, dans son berceau, j'ai glissé une peluche de lapin et un ballon de foot en plastique. Au parc, quand il a fait ses premiers pas, j'ai glissé discrètement un ballon de foot dans le sac à jouets. Ça a marché, preuve que les choix des parents sont déterminants. J'aurais pu glisser un tutu ou un poney, mais j'ai préféré le ballon. Il a grandi en jonglant. Ensemble nous avons joué un millier de fois, entre deux platanes, deux tee-shirts ou quelques galets sur la plage. Je lui ai acheté un maillot de l'Equipe de France quand il avait 5 ans. Un maillot de contrebande trouvé sur un marché en Turquie où nous étions en vacances. Un maillot pour grandir dans le souvenir d'une victoire qu'il n'avait pas connue. 98. Des frissons, des larmes, des joies.
Un soir en rentrant de l'école, il m'a regardé avec son grand sourire et m'a montré son nouveau tee-shirt, tout jaune. Le maillot du Brésil. Il avait 9 ans.
Je lui ai demandé pourquoi. Il m'a répondu que le Brésil était la meilleure équipe du monde et que la France elle puait du cul : c'était juste avant la débâcle de Knysna. Il avait eu le nez creux. Cette équipe ridicule et grasse ne le faisait pas rêver, bien avant le bus. Il préférait Kaka à Anelka, je ne pouvais lui en vouloir...
Aujourd'hui, tandis que la France semble reprendre des couleurs, je porte fidèlement mon maillot Adidas à une étoile avec écrit Vinvin dans le dos. Lui, 12 ans, me nargue avec son maillot jaune Nike floqué au nom de Neymar. Il porte également le Neymar du Barça, et pas question de parler du PSG... Mon fils est libre dans ses choix, et ses choix ne sont pas déconnants. Je ne lui impose pas un patriotisme qui remonte, chez moi, à 1982, j'avais 12 ans moi aussi, quand avec mon père nous avions tous les deux pleuré, surtout moi, à l'issue de cette demi-finale de légende. 12 ans, l'âge où le football vous influence, occupe vos pensées, décore vos murs, réunit vos amis, sublime quelques folles actions imaginaires, quand vous rêvez d'être Platini ou Maradona, ou encore Messi, Neymar ou Christiano Ronaldo. Aujourd'hui nous jouons l'un contre l'autre, il jongle mieux que moi, court presque plus vite que moi, s'entraîne à des gestes que je ne vois plus qu'à la télévision. Il est beau, il est est grand, il est pour le Brésil.
Si tout se passe comme prévu, nous devrions lui et moi nous rencontrer en demi-finales le 8 juillet.
Cyrille de Lasteyrie, dit Vinvin (@vinvin)