Jamais, nous ne boirons de caïpirinha
Devise : le ridicule ne tue pas.
Contexte : match France - Equateur, dînette chez moi avec quelques amis.
Etat d'esprit : heureuse.
Etat du frigo : à bloc. Bouffe et boissons.
Souhait : réaliser les meilleures caïpirinhas du monde pour mes convives que j'aime.
19 heures. Je cours au supermarché du coin. Pour acheter quelques mets - alors que le frigo est plein - mais on ne sait jamais. Si la guerre éclate et que nous sommes tous coincés chez moi, on aura des vivres. Il me faut surtout tous les ingrédients pour la boisson de rêve : une caïpirinha.
Panier dans une main, mes deux sacs sur les épaules (oui, j'ai deux sacs, toujours, ne cherchez pas à comprendre), et le smartphone dans l'autre main, je tente une recherche sur le net : "recette de la caïpirinha". Histoire de ne pas oublier un ingrédient.
Sucre, ok. J'en ai.
Cachaca : direction rayon alcool (je fréquente guère le rayon jus de fruit). Trois marques différentes. Premier problème. Facile à résoudre. Le prix est le même pour les trois. Pas d'anarque possible avec un alcool frelaté. Je prends la bouteille la plus jolie.
Glace pilée : ah... J'ai des glaçons. On va se démerder.
Citrons : putain, jaunes ou verts ? Une recette dit jaune. Je cherche une autre sur mon smartphone qui n'aime pas franchement les rayons du supermarché et tombe régulièrement en rade de réseau. A côté des oeufs, ça passe... Alors jaune ou vert ? Les deux... Au bout de la 10ème recette, le citron vert l'emporte. Dommage.
19h20 (le temps passe vite). Rayon fruit et légume. Plein de citrons jaunes partout. Oui, mais moi, je veux des verts ! Ah, les voilà, planqués dans un filet. En bas de l'étal. Casse toi le dos à prendre ce filet (ça va faire beaucoup, mais bon tant pis), mes deux sacs tombent (classique) et le panier se renverse (classique).
19h30. Chez moi. Fracassée. Fréquemment (c'est à dire, toutes les semaines) j'oublie que j'habite au 4ème étage sans ascenseur. Sachant que j'ai acheté à manger et à BOIRE pour l'immeuble entier, le temps d'une guerre mondiale, vous imaginez le sac des courses. Pas grave, suis arrivée. Sans épaule. Mais entière. La bouteille de cachaca aussi et le magnum de champ' pareil, que je mets tout de suite au frigo. Enfin, que je tente de mettre dans mon frigo "taille appartement parisien" soit plus adapté à des mignonettes qu'à une bouteille XXL. Mais enfin, en forçant un peu, ça passe.
21h15. Dînette prête. Verres à caïpirinhas prêts. Les copains sont là. Fière comme un "bar tabac", j'annonce la couleur "ce soir, caïpirinhas" ! Un des convives s'empare d'un marteau pour... faire de la glace pilée. Il s'applique. Une glace pilée parfaite. Comme j'en rêvais et que je n'aurai jamais pu réaliser. Moi et un marteau, au mieux c'était écroulement du plan de travail ou doigt cassé. Mais pas glace pilée.
En revanche, j'adore les couteaux japonais en céramique. Parfait pour tailler les légumes et mes citrons verts surtout.
Tel un yakuza, je tranche d'un seul coup mon... avocat.
LE DRAME.
Les petites boules vertes compressées dans un filet achetées dans ce putain de supermarché de quartier ne sont pas des citrons verts, mais des avocats.
Des minuscules avocado que même pas je sais que ça existe une race de légumes comme ça.
Ma vie s'effondre.
1. La honte de ma vie face à mes amis que j'aime qui sont effondrés aussi... de rire. Ma tête d'idiote + le couteau japonais + l'avocat joliment tranché en deux me narguant ont eu raison de leur raison.
2. Les avocats ne sont pas mûrs.
3. Et la glace pilée. Cette jolie glace pilée que va-t-elle devenir ?
4. Nous ne boirons pas de caïpirinhas ce soir.
5. Le magnum de champ' n'est pas assez frais.
6. Ah ben tiens, merci la glace pilée (pour rafraîchir les verres).
Hier matin, en me reveillant, je voyais ma pauvre bouteille de cachaca, seule au monde. Même pas débouchée. Peut-être restera-t-elle dans cet état-là pendant des années. Parce que, de mon côté, les caïpirinhas, ce sera au bar ou au Brésil mais pas chez moi.
Eva (en même, vous aviez tous compris que c'était moi l'auteure de ce carnage)