Je déteste l'Italie. Mais, ça, c'était avant
Mon père n'a cessé de me répéter : "Les Anglais, c'est nos ennemis". Phrase prononcée devant un match de rugby. Evidemment. Même si, historiquement, il n'a pas tort.
Je nous revois le samedi après-midi devant un France - Angleterre du tournoi des 5 nations (oui, pardon mais quand j'étais gosse, y'avaient que 5 nations. Et le premier qui dit "putain, mais elle est vieille en fait", prends une claque). Le rugby, sport exhaltant. Qui te fais lever devant l'écran. Ton corps poussant les hommes comme une mêlée fictive.
C'était ça le sport-télé avec mon père.
Je n'ai guère de souvenirs de foot en famille. Sauf deux.
- Scène 1. Ma mère : "Allez l'Algérie ! Vous allez gagner". Phrase prononcée avec enthousiasme lors de la coupe du monde en Italie en 1990 face à un match Angleterre - Egypte. Voilà.
- Scène 2. 2 juillet 2000. Chez moi. Finale de l'Euro. France - Italie. Avec mes parents notamment et mon compagnon (arbitre de foot par ailleurs. Mais ceci est une autre histoire). Nous n'avions jamais autant gueulé en famille. J'ai senti le plancher se dérober sous mes pieds quand mon père a bondi au but de Wiltord. Je ne suis pas sûre que la décence m'autorise ici à répéter les insultes en italien criées par mon père, ni à refaire cette suite de "bras d'honneur" réalisée devant la télé. Et des deux bras comme il dit !
Quand je vous dis qu'il a hurlé des insultes en italiens, c'est parce que dans la famille, le sang italien coule dans nos veines. Des deux côtés. Sans parler que géographiquement, la frontière est à quelques kilomètres.
Pour autant, je n'ai pas pris italien en deuxième langue sous peine de me retrouver dans une classe de nuls. Résultat : allemand. Hors, à part "Du bist ein Esel" (je vous laisse chercher la traduction), je ne sais pas dire un mot de deutsch.
Pour autant, je déteste les Italiens. En foot. Jamais je ne défendrai ces joueurs aux cheveux gominés qui se laisse tomber à la première occasion. JAMAIS.
Enfin... Ca c'était avant.
D'avant il y a pas si longtemps. Quinze jours.
Papa, ne m'en veux pas, mais deux filles sont venues foutre le bordel dans ma tête de supportrice.
Sur Twitter, elles s'appellent @flonot et @zefml
La première vit en Italie. La seconde en France.
Des folles. Folles des Azzurri. Et pas façon "oh comme ils sont trop beaux !". Non, des vraies. Des connaisseuses. Des expertes du ballon rond.
Difficile de les louper sur les réseaux, la plupart des messages sont écrits en MAJUSCULES. Sans les connaître, j'entends leur voix me hurler dans les oreilles. Des messages tellement drôles que j'ai fini par m'intéresser à ces cons d'Italiens (pardon... j'ai des réminiscences de ma détestation footballistique).
Me voilà donc en train de soutenir mes voisins transalpins. Et les filles avec. Pas au point de mettre un maillot ou un drapeau à mes fenêtres, mais je me suis délectée de gressins avec quelques antipasti. Pas mauvais d'ailleurs.
En plein coeur de la nuit, lors des premiers matchs, j'ai surtout découvert avec stupeur le blog de @zefml et son spécial Coupe du monde pour les Nuls. Une gazette quotidienne avec des résumés des rencontres, des infos, et surtout des rires. Parce que la donzelle écrit joliment bien. Qu'elle jongle entre expertise et drôlerie. Mise en page de luxe. Un boulot de dingue. De dingue. Vraiment. Y'a qu'à ouvrir les yeux. Même à 2h du matin.
Ou 4 heures du mat' quand j'imagine France appuyant sur le bouton off de son ordinateur, regardant sa montre pour savoir combien il lui reste d'heures à dormir avant d'aller travailler. Parce que oui, elle a un autre travail. Celui pour pouvoir bouffer tous les jours. Encore que... elle doit pas manger beaucoup en ce moment avec ce taff de dingue. Complètement dingue. Une passion dévorante mais tellement jubilatoire.
Vendredi, la bonne humeur de @Zefml a disparu. L'élimination de l'Italie l'a éteinte. Anéantie. Au point qu'elle a choisi d'arrêter sa gazette. Et ça, c'est pô possible. J'ai alors enfilé mon costume de "fille bien chiante, entêtée". "Putain, je me suis pas emmerdée à soutenir ces cons d'Italiens pour que tu arrêtes d'écrire ! Bordel de merde". TROUVES UNE AUTRE EQUIPE MAIS ECRIS.
Moi aussi, je sais faire des phrases en majuscule.
En fait, j'ai pas vraiment dit ça.
J'ai simplement dit à France que ce travail entamé méritait d'avoir une suite, malgré la fatigue, les critiques de certains. Qu'on écrivait pour les autres. Ceux qui nous lisent. Qu'il fallait que cela reste un plaisir. Un exercice de style. Et surtout un moyen d'offrir un regard différent sur le monde.
Je lui ai proposé de boire une caïpirinha un soir. Elle a refusé. Je n'ai toujours pas compris pourquoi.
Ce matin, une surprise m'attendait.
Le numéro 14 de la gazette. Ecrit cette nuit.
Avant même d'aller jusqu'au bout de la lecture, j'avais décidé d'écrire ces lignes. Et puis, à la fin du journal de bord de France, d'autres mots m'attendaient.
Dimanche. Il n'est pas 11 heures. Suis émue.
C'est là-dessous...
PS : le beau mec sur la photo, c'est Pirlo. C'est un cadeau pour les filles